Dans les méandres d'une ville oubliée, Dorian et Alaric, deux amis d'une beauté aussi frappante que leur jeunesse, se retrouvèrent face à une boutique d'antiquités dont la réputation n'était plus à faire. On murmurait que l'endroit, caché entre des ruelles sombres, recelait d'objets aux pouvoirs inquiétants.

Poussés par un mélange de bravoure et d'inconscience, ils pénétrèrent dans le magasin, où une odeur de vieux bois et de cire brûlée les accueillit. L'endroit était un labyrinthe de curiosités, où chaque objet semblait imprégné d'une histoire macabre.
Leur attention fut captée par un miroir d'onyx, encadré de motifs gothiques, qui trônait au fond de la pièce. Son reflet ne montrait pas la réalité, mais des scènes d'un autre temps, empreintes de violence et de désespoir. Fascinés, ils s'approchèrent, ignorant les avertissements du vieux propriétaire qui marmonnait des incantations sous son souffle.
Dorian, l'âme aventureuse, effleura la surface glacée du miroir, et aussitôt, une force invisible le happa. Alaric, horrifié, vit son ami se tordre de douleur, tandis que des gouttes de sang jaillissaient de ses yeux, comme si le miroir aspirait sa vie.
Dans un acte désespéré, Alaric brisa le miroir avec une canne épée trouvée à côté. Le sang cessa de couler, mais le mal était fait. Dorian gisait au sol, pâle et silencieux, tandis qu'Alaric, les mains tremblantes et rougies, comprenait que leur quête de frissons avait réveillé une horreur sans nom.
Le vieux propriétaire, un sourire sinistre aux lèvres, disparut dans l'ombre, laissant Alaric seul avec le corps de son ami et le poids d'une malédiction éternelle.
Alaric, consumé par la culpabilité et le chagrin, chercha désespérément un moyen de ramener Dorian. Il parcourut des grimoires anciens et interdits, espérant trouver une incantation, un sortilège, quelque chose qui pourrait inverser le cours tragique des événements.
Les jours se transformèrent en semaines, et les semaines en mois. Alaric, autrefois un jeune homme plein de vie, devint l'ombre de lui-même, hanté par les souvenirs et les regrets. La boutique d'antiquités avait disparu, comme si elle n'avait jamais existé, emportant avec elle la dernière lueur d'espoir.
Une nuit, alors que la lune était voilée par un voile de nuages sombres, Alaric trouva enfin ce qu'il cherchait. Un rituel, ancien et terrible, qui demandait un sacrifice pour rétablir l'équilibre rompu. Sans hésiter, il se prépara à offrir son propre sang, son âme, pour sauver son ami.
Le rituel commença, et le sang d'Alaric coula sur les pages jaunies du grimoire. Les murs de sa demeure se mirent à vibrer, et une brèche s'ouvrit entre les mondes. Des formes spectrales émergèrent, tourbillonnant autour de lui, murmurant des mots dans une langue oubliée.
Et puis, dans un éclat de lumière aveuglante, le silence retomba. Alaric gisait inerte, le grimoire ouvert à ses côtés. Quant à Dorian, il se tenait là, vivant, mais changé. Ses yeux, autrefois chaleureux, étaient maintenant aussi froids que le miroir qui avait failli lui coûter la vie.
Le prix à payer avait été élevé, et bien que Dorian fût revenu parmi les vivants, quelque chose en lui était perdu à jamais. Les deux amis, réunis dans la douleur et le sacrifice, comprirent que certains secrets auraient dû rester enfouis, et que certaines horreurs étaient trop grandes pour être contenues par le monde des mortels.
La lune, voilée de nuages sombres, semblait pleurer sur le sort tragique des deux amis. Dorian, bien que revenu à la vie, portait en lui une noirceur qui n'appartenait pas à ce monde. Ses yeux, autrefois un puits de chaleur et de gaieté, étaient désormais des abîmes glacés, reflets d'un royaume où la mort régnait en maître.
Alaric, dont le corps gisait sans vie, avait payé le prix ultime pour son ami. Mais même dans la mort, son esprit ne trouvait pas le repos. Il errait, spectre, silencieux, dans les couloirs de la demeure qui avait été le théâtre de leur dernière aventure.
Les jours passèrent, et la rumeur de leur tragédie se répandit dans la ville oubliée. Les habitants, qui avaient jadis évité la boutique d'antiquités et ses mystères, commencèrent à craindre que le mal libéré par Dorian et Alaric ne se propage dans les ruelles sombres, apportant avec lui une vague de terreur et de désolation.
Dorian, conscient du fardeau qu'il portait, décida de quitter la ville. Il voyagea à travers des terres désolées, cherchant un moyen de se libérer de l'emprise du miroir d'onyx. Partout où il allait, des phénomènes étranges se produisaient : des murmures dans le vent, des ombres qui bougeaient seules, et des cauchemars qui hantaient les personnes, même éveillés.
Il comprit bientôt que la malédiction du miroir était une partie de lui, un cancer qui se nourrissait de son âme. Dorian se résolut alors à trouver le vieux propriétaire de la boutique, le seul qui connaissait peut-être le secret pour briser la malédiction.
Après des mois de recherche, Dorian retrouva la trace du vieil homme dans une ville au bord de la mer, où les brumes matinales semblaient cacher plus de secrets que de navires. Le vieil homme, reconnaissant Dorian, lui révéla que le miroir était l'œuvre d'un sorcier du Moyen Âge, un objet conçu pour ouvrir un passage vers un monde de ténèbres et d'horreur.
Pour briser la malédiction, Dorian devait retrouver les fragments du miroir et les réunir lors d'une nuit sans lune, dans un rituel qui exigerait encore un sacrifice. Mais cette fois, le sacrifice demandé était différent : Dorian devait renoncer à son humanité, accepter la noirceur en lui et la dominer, pour que plus jamais elle ne puisse nuire à d'autres.
Avec un cœur lourd de résignation, Dorian entreprit sa quête, parcourant des cryptes oubliées et des ruines hantées, rassemblant les morceaux du miroir maudit. Et lorsque la nuit sans lune arriva, il était prêt.
Le rituel fut long et éprouvant, et Dorian sentit la noirceur l'envahir, menaçant de l'engloutir tout entier. Mais il tint bon, utilisant chaque once de volonté pour contenir le mal. Lorsque l'aube pointa, le miroir était entier, mais Dorian n'était plus le même. Il avait accepté la part d'ombre en lui, la maîtrisant, la transformant en une force pour protéger plutôt que pour détruire.
Dorian, l'homme qui avait traversé l'horreur et en était revenu changé, devint une légende, un veilleur dans la nuit, un gardien contre les ténèbres. Et quelque part, dans l'au-delà, Alaric souriait, sachant que leur amitié avait survécu même aux plus sombres des épreuves...